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E.Rials, rédacteur

05/10/25

Iphigénie en Tauride à l’Opéra-Comique : Wajdi Mouawad réinvente le mythe avec intensité

Plongée dans la nouvelle production parisienne de Iphigénie en Tauride, mise en scène par Wajdi Mouawad : une tragédie lyrique revisitée, servie par Le Consort et une équipe artistique audacieuse.

L’Opéra-Comique présentera du 2 au 12 novembre 2025 une nouvelle production d’Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck, dans une mise en scène signée Wajdi Mouawad. Avec cette création, le metteur en scène franco-libanais plonge le public au cœur d’une tragédie intérieure, portée par la musique lumineuse et dépouillée du compositeur allemand.


Un chef-d’œuvre intemporel

Créée à Paris en 1779, Iphigénie en Tauride est souvent considérée comme le sommet de la carrière de Gluck. Le compositeur y poursuit son ambition de réformer l’opéra en abandonnant les artifices du baroque pour privilégier la clarté dramatique et l’expression sincère des émotions.L’histoire met en scène Iphigénie, fille d’Agamemnon, devenue prêtresse en Tauride après avoir échappé au sacrifice imposé par son père. Chargée d’immoler tout étranger qui aborde ses rivages, elle se trouve confrontée à deux naufragés grecs, Oreste et Pylade. Sans le savoir, elle s’apprête à offrir son propre frère en sacrifice. Cette reconnaissance tardive, surgissant au bord du gouffre, transforme la tragédie en un drame de rédemption et de fraternité.


Le regard de Wajdi Mouawad

Wajdi Mouawad, connu pour sa capacité à mêler l’intime et le mythologique, aborde Iphigénie en Tauride comme une plongée dans la mémoire et la culpabilité. Fidèle à son style, il met en avant la puissance des silences, les ruptures, les respirations et les non-dits qui font naître la tension dramatique.Chez lui, la musique de Gluck devient un personnage à part entière, une force invisible qui accompagne le combat intérieur des protagonistes. Le metteur en scène ne cherche pas à moderniser le mythe à tout prix, mais à en révéler la part d’humanité la plus brute : celle d’une femme déchirée entre son devoir sacré et son instinct d’amour fraternel.


Une distribution d’exception

La distribution réunit des interprètes engagés et expressifs, à commencer par Tamara Bounazou dans le rôle d’Iphigénie, incarnation à la fois fragile et déterminée. Elle est entourée de Theo Hoffman, Philippe Talbot, Jean-Fernand Setti, Léontine Maridat-Zimmerlin, Fanny Soyer et Lysandre Châlon, formant un ensemble vocal où la clarté du texte et la précision du chant se répondent. L’accompagnement musical est confié à l’ensemble Le Consort, qui fait ici ses premiers pas dans une grande production lyrique. Sous la direction de Louis Langrée et Théotime Langlois de Swarte, l’orchestre baroque révèle toute la richesse des nuances gluckistes, où la rigueur classique se marie à une émotion d’une intensité rare.


Un spectacle total

Au-delà de la beauté musicale, cette production se distingue par sa recherche de cohérence entre texte, geste et image. Les décors épurés, les jeux de lumière et la sobriété du dispositif scénique renforcent le caractère intérieur du drame. Chaque élément semble participer d’un même souffle : celui d’une humanité égarée qui tente de se réconcilier avec elle-même. Une séance Relax, accessible à tous les publics, ouvrira la série de représentations le 2 novembre à 15 h, tandis qu’une rencontre avec les artistes permettra, le 8 novembre, de prolonger l’expérience au-delà du spectacle. Ces initiatives s’inscrivent dans la démarche inclusive et pédagogique que l’Opéra-Comique développe depuis plusieurs saisons.


Un retour à l’essence du tragique

Cette Iphigénie en Tauride s’annonce comme l’un des grands rendez-vous lyriques de l’automne. Elle offre au public parisien l’occasion de redécouvrir une œuvre fondatrice du répertoire classique sous un angle profondément humain.Loin des effets visuels ou des transpositions gratuites, Wajdi Mouawad signe ici une mise en scène à la fois claire et bouleversante, où la parole et la musique se répondent comme deux miroirs de la conscience. En confiant ce chef-d’œuvre à des artistes d’une telle exigence, l’Opéra-Comique confirme une fois encore sa vocation : faire dialoguer la tradition et la création, pour que le mythe ancien continue de résonner avec les inquiétudes du monde d’aujourd’hui.

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